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Actualités

 

Invités du festival Lettres du monde 2019, nous avons proposé une rencontre littéraire avec Joseph Ponthus et Alberto Prunetti, intitulée « Quand le monde du travail entre en littérature ». Ce fût un réel moment de bonheur et une rencontre entre deux hommes, deux écrivains. Une amitié sincère et joyeuse venait de naître. Ils n’ont cessé d’échanger depuis cette rencontre.Suite à la disparition de Joseph Ponthus, Alberto Prunetti a souhaité partager ce texte avec nous toutes et tous. Merci à eux deux.

// Le temps perdu d’un écrivain ouvrier, d’Alberto Prunetti, traduit de l’italien par Christel Sabathier //

Joseph Ponthus, auteur de À la ligne, est mort à seulement 42 ans. Un chef d’œuvre de l’écriture prolétarienne, un roman-poème d’un ouvrier intérimaire dans des abattoirs bretons. C’est du Upton Sinclair qui rencontre Georges Perec, du Blaise Cendrars et du Thierry Metz, le tout assaisonné aux entrailles de poisson. C’est dégoûtant et c’est dur comme travail mais si vous voulez nourrir votre chat avec des boîtes, il faut bien que quelqu’un les fabrique. Et ce quelqu’un, c’était Joseph Ponthus, comme tant d’autres ouvrières et ouvriers du secteur agroalimentaire breton.

On se souviendra de lui pour son unique roman datant de 2019 qui a connu en France un vrai retentissement éditorial. Plusieurs réimpressions, des milliers d’exemplaires vendus, des traductions programmées dans une dizaine d’autres langues. Tout cela en quelques mois, entre 2019 et 2020. Quantité d’anecdotes sur le livre. Approximatives et apocryphes, très belles malgré tout. Comme celle-ci : on dit que Daniel Pennac, interpellé dans la rue par un de ses nombreux admirateurs, s’est défilé en agitant un exemplaire de A la ligne « Allez, moi je suis vieux, vous devez lire Ponthus ! ». Est-ce vrai ? On ose l’espérer, ce serait si beau.

Un prix après l’autre, ce succès littéraire allait encore changer la vie de Joseph. Des vies, il en a eu au moins trois. Au cours de la première, c’était un étudiant issu d’un milieu populaire, sans capital culturel. Grâce à une bourse d’étude, il avait étudié dans une de ces universités élitistes françaises [NDLT – en classe préparatoire] qui habituellement permettent d’accéder à des postes de cadre supérieur. Mais comme le disait le scribe Bartleby « je préfèrerais ne pas » et au lieu de faire carrière dans les hautes sphères de la société, Joseph en bon anarchiste s’en était allé dans les banlieues faire de l’éducation populaire. Et puis quelques années plus tard, en 2015, il avait arrêté d’enseigner. Il avait rencontré l’amour de sa vie, Krystel, et avait déménagé avec elle en Bretagne. Comme il ne trouvait pas d’emploi dans l’enseignement, il a commencé à travailler en tant qu’ouvrier dans l’industrie agroalimentaire et dans les abattoirs. Ce que me disent certains de ses amis qui le connaissaient, c’est que lui, l’activiste politique de la gauche radicale, avait quasiment disparu.

Mais le nom de Ponthus refait surface à l’improviste, pour sa troisième vie. En 2019, La table ronde publie son roman-poème prolétarien qui remporte un succès inattendu. La première édition engendre la fin de son contrat de travail (qui accepterait de renouveler le contrat de quelqu’un qui raconte tout ce qui se passe à l’usine ?). La deuxième édition consacre l’œuvre aussi bien du point de vue de la critique que des ventes, ce qui lui permet de compenser le chômage et d’aller présenter le livre dans les librairies de l’Hexagone. Parce qu’en 2019, À la ligne est le livre à lire absolument. Si je fais sa rencontre en novembre 2019, c’est que l’on nous a assis autour d’une même table lors du festival littéraire Lettres du monde à Bordeaux. Ville magnifique, très bourgeoise, au sombre passé esclavagiste, ville de théâtres et de grands hôtels. Exactement comme celui qui nous accueille, et où j’entre, avec mon allure de paysan bien élevé, habité par le syndrome de l’imposteur. Je sais que va se tenir une rencontre avec les organisateurs et cet écrivain que tous les libraires de France me conseillent de lire. Je rentre dans le hall de ce grand hôtel comme un chien dans une église et je vois de loin un immense gars, balaise, à la barbe blonde, lunettes, pipe et chapeau, qui agite ses bras et me fais signe. Puis il se met à chanter, à haute voix en italien : « Triste triste, troppo triste, questa sera, eterna sera ». C’est une chanson de Ciampi ». Et puis encore : « Alberto, Forza Livorno ! Maremma maiala ! », sous le regard abasourdi de ces braves clients du grand hôtel.

Comme vous pouvez aisément l’imaginer, on a passé un jour et une nuit à manger, boire et fumer, à parler des mousquetaires et du conte de Montecristo, de Dumas et de Stevenson, des pirates de l’île au trésor et de l’abbé Faria, de son amère Bretagne et de cette putain de Maremme, de Charles Trenet et de Piero Ciampi, de Guy Debord et de Pietro Gori, de notre ami commun Serge Quadruppani (c’est lui qui tout ému m’a annoncé il y a quelques heures la nouvelle de sa disparition).

Ce n’est pratiquement qu’au poindre du jour que nous avons retrouvé le chemin de l’hôtel dans un piteux état. Mémorable fut notre appétit : face à un menu incompréhensible pour moi, ponctué de prestigieux vins de Bordeaux, Joseph me conseillait de tout manger et de tout boire… « parce que personne ne sait ce qui va arriver demain, Alberto ; moi je vais peut-être repartir découper des animaux à l’usine et toi nettoyer des chiottes à Bristol. Adieu littérature et banquets somptueux. Donc, mange !».

La littérature reste, sans doute à jamais. Joseph lui a quitté le banquet de la vie trop tôt, à 42 ans, avec un seul roman publié, qui n’est autre qu’un chef d’œuvre. Son existence fut brève mais son temps n’est pas perdu, comme quand dans A la ligne il s’amuse à dire effrontément à Monsieur Proust :

« Cher Marcel je l’ai trouvé celui que tu recherchais

Viens à l’usine je te montrerai vite fait

Le temps perdu. »


Rencontre avec Alberto Prunetti, animée par Sonia Moumen, journaliste et réalisatrice. Interprète de l’italien : Christel Sabathier.
©Richard Nourry

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NOS ÉVÉNEMENTS Á VENIR 

INSITU /  Lire le monde, lire ma ville, 7e édition, juillet 2021 (dates à venir) 

Lettres du monde, festival des littératures du monde, 18e édition, du 19 au 28 novembre 2021 

Les Rencontres du carnet de voyage, une écriture du monde, 7e édition, les 4 et 5 décembre 2021

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Crédit photo : Richard Nourry

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